Après avoir géré plus de 40 millions d'euros de budget publicitaire Meta pour une centaine de marques cette année, on commence à voir des patterns intéressants. Ce qui ressort surtout, c'est que la majorité des annonceurs appliquent les mêmes recettes sans vraiment comprendre pourquoi elles fonctionnent. Et quand ça ne marche pas, ils persistent quand même.
Cette uniformité dans les approches crée une situation particulière. Les marques qui performent ne saisissent pas toujours les mécaniques sous-jacentes de leur succès. Celles qui galèrent encore moins. On se retrouve avec un écosystème où tout le monde fait plus ou moins la même chose, avec des résultats souvent décevants.
Ce qui suit, ce sont 14 observations tirées de notre expérience terrain. Des approches qui peuvent sembler contre-intuitives mais qui, dans la pratique, font souvent la différence entre une campagne qui décolle et une qui stagne.
Première observation : l'erreur de couper trop vite ce qui fonctionne
On voit régulièrement le même scénario se répéter. Une campagne tourne bien depuis plusieurs semaines. Le CPA augmente légèrement sur deux jours. L'annonceur s'inquiète et décide de tout couper ou de diviser le budget par deux.
C'est généralement une mauvaise décision. Voici pourquoi.
Une campagne Meta, ce n'est pas juste une ligne dans un tableau Excel. C'est un système qui accumule progressivement des données, des signaux, de l'apprentissage algorithmique. Quand vous l'interrompez, même temporairement, vous remettez ce niveau d'apprentissage à zéro. L'algorithme a passé du temps à comprendre qui convertit, dans quelles conditions, avec quels messages. Tout ce travail est perdu.
Pour mettre ça en perspective : imaginez que vous licenciez votre meilleur commercial parce qu'il a fait deux journées moyennes. Ça n'aurait pas de sens. Pourtant, c'est exactement ce que font beaucoup d'annonceurs avec leurs campagnes.
D'après ce qu'on observe, une variation sur 24 ou 48 heures n'est généralement pas significative. Il vaut mieux laisser tourner et analyser sur une semaine complète. Si le volume reste correct et que la tendance n'est pas structurellement négative, l'algorithme a de bonnes chances de se réguler tout seul.
Deuxième observation : pourquoi les publicités trop léchées performent mal
C'est un paradoxe qu'on constate régulièrement. Les annonceurs investissent dans de belles créations - éclairage professionnel, montage soigné, direction artistique travaillée. Et ces publicités sont souvent celles qui convertissent le moins.
La raison est assez simple quand on y pense. Ces créations sont immédiatement identifiées comme de la publicité. Sur Meta, où l'utilisateur scrolle rapidement, tout ce qui ressemble trop à une pub est mentalement filtré et ignoré.
À l'inverse, on a observé que les vidéos tournées simplement à l'iPhone, avec un éclairage naturel et un montage minimal, captent beaucoup mieux l'attention. Pourquoi ? Parce qu'elles ressemblent à du contenu organique. L'utilisateur s'arrête, se demande qui parle, et commence à écouter le message.
Attention, il ne s'agit pas de faire du travail bâclé. C'est une approche délibérée qui vise à créer un style authentique, non-marketé. L'objectif reste de capter un moment d'attention réelle dans un environnement saturé de contenus.
Troisième observation : le ciblage large surperforme souvent
La tentation naturelle, c'est de vouloir cibler précisément. On se dit qu'en définissant exactement le profil recherché - âge, centres d'intérêt, comportements - on optimise ses chances de succès.
Dans la pratique, on constate souvent l'inverse.
Meta possède aujourd'hui une quantité phénoménale de données sur ses utilisateurs. L'algorithme n'a pas vraiment besoin qu'on lui dise qui cibler. Ce dont il a besoin, c'est d'une création qui attire naturellement les bonnes personnes.
Quand vous partez sur un ciblage large, vous donnez à l'algorithme un terrain d'exploration beaucoup plus vaste. Si votre message est pertinent, il va progressivement identifier qui interagit, qui achète, et optimiser la diffusion en conséquence.
Le ciblage trop restrictif, lui, peut créer un plafond artificiel. Vous limitez l'apprentissage et vous risquez de passer à côté de segments d'audience performants simplement parce qu'ils ne correspondaient pas à vos critères initiaux.
Bien sûr, cette approche n'est pas universelle. Mais quand vous avez une création solide et un message clair, le ciblage large est souvent la stratégie la plus efficace.
Quatrième observation : l'art de la duplication minimale
Quand une publicité fonctionne bien, le réflexe habituel est de vouloir l'améliorer. On se dit qu'on peut faire une version encore plus impactante, mieux travaillée.
C'est là qu'on observe souvent une chute des performances.
Le problème, c'est qu'en voulant améliorer, on modifie souvent ce qui faisait la force de l'original. Et pour l'algorithme, cette "nouvelle version améliorée" est en réalité une création complètement nouvelle qui repart de zéro.
Ce qui fonctionne mieux, c'est de dupliquer en changeant un minimum d'éléments. Juste le hook d'accroche. Ou l'angle narratif. Ou les premières secondes visuelles. L'idée est de créer de la variété sans casser la dynamique qui fonctionne.
Cette approche permet d'exploiter un succès existant tout en limitant les risques. C'est généralement plus efficace que de repartir sur une création entièrement nouvelle.
Cinquième observation : le piège du retargeting
Le retargeting a quelque chose de rassurant sur le papier. Ces personnes connaissent déjà votre marque, elles ont montré de l'intérêt, il suffit de les relancer pour qu'elles achètent.
La réalité est plus nuancée.
Ce qu'on observe souvent, c'est que beaucoup de conversions attribuées au retargeting auraient eu lieu naturellement. Vous finissez par payer pour des ventes qui se seraient faites de toute façon. Le ROAS a l'air excellent, mais la valeur additionnelle réelle est faible.
C'est ce qu'on pourrait appeler l'effet tonneau percé : vous injectez du budget, les métriques sont flatteuses, mais l'impact incrémental est marginal.
Une approche plus efficace consiste à être très sélectif dans son retargeting. Se concentrer uniquement sur les signaux d'intention forte - ajout au panier, visite de pages produits spécifiques, visionnage de vidéos à plus de 75%. Et limiter la fenêtre temporelle à 3-7 jours maximum.
L'idée n'est pas d'abandonner le retargeting, mais de s'assurer que chaque euro investi génère vraiment une vente supplémentaire, pas juste une attribution flatteuse.
Sixième observation : les limites du ROAS comme métrique
Le ROAS reste la métrique de référence pour beaucoup d'annonceurs. Un bon chiffre et tout le monde est content. Mais cette métrique a ses limites.
Le ROAS montre le chiffre d'affaires attribué par Meta divisé par vos dépenses. Mais il ne vous dit pas si ces ventes ont été vraiment générées par la publicité ou si elles auraient eu lieu de toute façon. Il ne fait pas la distinction entre un nouveau client et un client fidèle qui rachète.
Plus votre marque est établie, plus ce biais est important. Vous attribuez à la publicité des ventes qui relèvent en réalité de votre notoriété existante ou de votre base client fidèle.
Ce qui compte vraiment, c'est l'impact sur votre chiffre d'affaires global. Est-ce qu'il augmente proportionnellement à vos investissements publicitaires ? Est-ce que vous touchez vraiment de nouveaux clients ? C'est ça l'incrémentalité réelle.
Le ROAS reste un indicateur utile, mais il ne devrait jamais être la seule métrique regardée. L'objectif final, c'est de générer des ventes additionnelles, pas d'avoir de belles métriques dans Meta.
Septième observation : pourquoi la polarisation peut être rentable
L'instinct naturel en publicité, c'est de vouloir plaire au plus grand nombre. On cherche un message consensuel, neutre, qui ne froisse personne.
Le problème, c'est que ce type de message passe souvent inaperçu.
Sur Meta, où des milliers de contenus se disputent l'attention, ce qui fonctionne c'est la prise de position claire. Un message qui résonne fortement avec une partie de l'audience, même s'il en laisse d'autres indifférents.
Les publicités qui génèrent des réactions - positives ou négatives - envoient des signaux forts à l'algorithme. Plus il y a d'engagement (clics, commentaires, partages), plus la publicité est diffusée.
Attention, il ne s'agit pas de faire de la provocation gratuite. Mais si votre message est trop lisse, trop consensuel, il risque de ne créer aucune réaction. Et sans réaction, pas de diffusion efficace.
L'idée est d'identifier un vrai problème de votre audience cible et d'y répondre avec conviction. Quitte à ce que ceux qui ne sont pas concernés passent leur chemin.
Huitième observation : laisser Meta choisir les placements
Meta propose de nombreux placements : feed Facebook, stories Instagram, reels, marketplace, et ainsi de suite. La tentation est forte de sélectionner manuellement ceux qui nous semblent les plus pertinents.
D'après notre expérience, c'est rarement la bonne approche.
L'algorithme de Meta a accès à une quantité de données que nous n'avons pas. Il sait où chaque utilisateur est le plus réceptif, à quel moment, dans quel contexte. En limitant les placements, vous bridez cette intelligence.
On a vu des cas où des annonceurs excluaient systématiquement certains placements qu'ils jugeaient "moins qualitatifs", pour découvrir plus tard que c'était justement là que se trouvaient leurs meilleures conversions.
L'algorithme optimise naturellement vers les placements les plus performants. S'il ne diffuse pas sur un placement, c'est qu'il n'y trouve pas de résultats intéressants. Mais il faut lui laisser la possibilité de tester pour en être sûr.
Neuvième observation : le CTR seul ne veut pas dire grand-chose
Le taux de clic est une métrique qu'on regarde tous instinctivement. Plus il est élevé, mieux c'est, non ?
Pas nécessairement.
Le CTR vous dit combien de personnes cliquent par rapport aux impressions. Mais il ne vous dit rien sur le coût de ces clics ni sur leur qualité.
On peut avoir un excellent CTR avec un CPC catastrophique si le CPM est très élevé. Dans ce cas, même si "ça clique bien", chaque visiteur vous coûte trop cher. À l'inverse, un CTR moyen peut s'accompagner d'un CPC très rentable si votre CPM reste bas.
Le vrai indicateur à surveiller, c'est le CPC - combien vous payez pour amener quelqu'un sur votre site. Et ensuite, bien sûr, le taux de conversion de ce trafic.
Le CTR reste utile pour comparer deux créations dans des conditions similaires. Mais pris isolément, il ne devrait jamais être la base d'une décision stratégique.
Dixième observation : le piège du renouvellement créatif constant
Il y a cette idée répandue qu'il faut constamment renouveler ses créations pour maintenir la performance. Certains annonceurs changent leurs publicités chaque semaine.
Ce qu'on observe, c'est que cette hyperactivité créative peut être contre-productive.
À chaque nouvelle création, l'algorithme repart en phase d'apprentissage. Il doit collecter des données, comprendre qui réagit, optimiser la diffusion. Si vous changez trop vite, vous ne laissez jamais ce processus arriver à maturité.
Une création qui fonctionne mérite qu'on la laisse vivre. Vous pouvez créer des variations, des adaptations, mais l'idée de base qui marche ne devrait pas être abandonnée juste pour "faire du neuf".
La bonne approche, c'est de maintenir une base stable de créations qui performent, tout en testant de nouvelles approches en parallèle. Si les tests sont concluants, ils viennent enrichir votre arsenal. Sinon, vous avez toujours votre socle de performance.
Onzième observation : la simplification des structures de campagne
Beaucoup d'annonceurs structurent encore leurs comptes avec une logique très segmentée. Une campagne par objectif, un ad set par audience, des budgets fragmentés partout.
Cette approche, qui avait du sens il y a quelques années, est aujourd'hui souvent contre-productive.
L'apprentissage algorithmique se fait au niveau de la campagne. Plus vous fragmentez, plus vous diluez les données. Chaque petit ad set manque de volume pour que l'algorithme puisse vraiment apprendre et optimiser.
En consolidant vos campagnes, vous donnez plus de matière à l'algorithme. Il peut identifier des patterns, des corrélations, des opportunités qu'il n'aurait pas vues avec des données fragmentées.
Bien sûr, il ne s'agit pas de tout mettre dans une seule campagne. Mais la tendance actuelle est clairement à la simplification. Moins de campagnes, plus de budget par campagne, et on laisse l'algorithme faire son travail de répartition.
Douzième observation : l'importance de la simplicité du message
On voit souvent des annonceurs qui veulent tout dire dans leur publicité. Les caractéristiques du produit, les avantages, les garanties, les témoignages... Résultat : un message confus qui ne retient personne.
Sur Meta, vous avez quelques secondes pour capter l'attention. Si votre proposition n'est pas immédiatement claire, l'utilisateur est déjà passé au contenu suivant.
Les publicités qui fonctionnent le mieux sont celles qui communiquent une idée simple et forte. Votre offre devrait pouvoir se résumer en une phrase. Et cette phrase devrait résonner immédiatement avec votre audience cible.
L'utilisateur doit comprendre en un instant que vous adressez son problème spécifique. Les détails, les spécifications, tout ça peut venir après, sur votre site. Mais dans la publicité elle-même, la clarté prime sur l'exhaustivité.
Treizième observation : la valeur cachée des campagnes "non rentables"
Le réflexe naturel face à une campagne qui ne convertit pas directement, c'est de la couper. Pourtant, ce n'est pas toujours la bonne décision.
Certaines campagnes jouent un rôle dans l'écosystème global sans générer de conversions directes. Elles peuvent servir à tester de nouveaux messages, à construire de la notoriété, à nourrir des audiences pour le retargeting.
On a observé des cas où des campagnes apparemment "non rentables" contribuaient en réalité significativement aux conversions finales, mais de manière indirecte. L'utilisateur découvrait la marque via ces campagnes, puis convertissait plus tard via un autre canal.
Avant de couper, il faut se poser les bonnes questions. Cette campagne génère-t-elle du trafic qualifié ? Contribue-t-elle à une dynamique plus large ? Le coût est-il raisonnable par rapport à son rôle dans l'ensemble ?
La publicité digitale n'est pas toujours un chemin linéaire. Parfois, ce qui semble inefficace isolément fait partie d'un ensemble qui, lui, fonctionne.
Quatorzième observation : le choix entre maximisation et CPA cible
Face aux options d'enchères de Meta, beaucoup d'annonceurs choisissent directement le CPA cible, pensant ainsi contrôler leurs coûts. Sur des petits volumes, c'est souvent une erreur.
Le CPA cible fonctionne bien quand vous avez déjà un historique solide de conversions. L'algorithme peut alors s'appuyer sur ces données pour maintenir le coût demandé. Mais sans ce volume historique, vous bridez l'apprentissage.
L'option "Maximiser les conversions" donne plus de latitude à l'algorithme. Il peut explorer, tester, apprendre sans la contrainte d'un objectif de coût strict. Une fois qu'il a compris ce qui fonctionne et que le volume de conversions est suffisant, alors vous pouvez passer au CPA cible.
C'est contre-intuitif pour beaucoup d'annonceurs qui veulent "garder le contrôle". Mais dans les faits, donner cette liberté initiale à l'algorithme produit souvent de meilleurs résultats à terme.
Pour conclure
Ces observations ont un point commun : elles demandent souvent d'aller contre nos réflexes naturels de marketeurs. Lâcher du contrôle, accepter l'imperfection apparente, faire confiance à la machine plus qu'à nos intuitions.
Le paysage publicitaire sur Meta a considérablement évolué. Les approches qui fonctionnaient il y a quelques années sont souvent obsolètes aujourd'hui. Ceux qui s'accrochent aux vieilles méthodes sans comprendre pourquoi elles ne marchent plus vont continuer à stagner.
Au final, la question n'est pas de savoir si ces méthodes sont confortables ou correspondent à nos habitudes. La question est : qu'est-ce qui génère vraiment des résultats dans le contexte actuel ?
On approfondit le sujet dans notre dernière vidéo Youtube dispo ici :